Promouvoir l'essor durable de nos communautés à grande échelle
Pour de nombreuses organisations et agences à travers le globe, la question de généraliser les succès locaux en matière de développement demeure un défi colossal et une responsabilité en apparence insurmontable. Lorsqu'on assiste à des conférences, des sessions de planification stratégique, des forums ou des études portant sur cette nécessité cruciale, une grande partie de l'attention se porte sur les aspects technologiques. En effet, si nous parvenons effectivement à encourager les agriculteurs à adopter des méthodes novatrices de gestion de l'eau, par exemple, ou des pratiques liées aux énergies renouvelables, à l'agriculture ou à la transformation des produits, alors les familles, les communautés et les zones rurales pourront accéder aux bienfaits fondamentaux du développement durable : des revenus accrus, une meilleure santé, une éducation de qualité et des perspectives bien plus vastes.
Cependant, notre expérience au Maroc en tant que membres d'une organisation maroco-américaine dédiée au développement communautaire durable nous a appris que ce n'est pas simplement en adoptant des innovations techniques ou en intégrant des approches d’agriculture intelligente que nous pouvons réellement faire la différence. Le véritable défi réside dans notre capacité à favoriser des mouvements communautaires d'envergure, permettant aux populations locales de définir leurs priorités et de concrétiser les projets qui leur tiennent le plus à cœur. En somme, notre aptitude à mettre en place des infrastructures novatrices pour la plantation de variétés locales d'arbres fruitiers dans 302 municipalités rurales, impliquant plus de 15 000 personnes depuis 2023, a largement dépassé notre capacité à organiser des ateliers favorisant l'autonomisation des communautés, la planification participative et le contrôle de leur propre développement.
Lorsque nous parlons de notre cheminement vers l'autonomie, il s'agit en réalité d'une aventure intérieure et collective, où chacun est invité à explorer ses liens sociaux, ses émotions, ainsi que ses perceptions sur le travail, l'argent, la spiritualité, le corps et ses aspirations les plus profondes pour un avenir florissant. Les projets locaux qui naissent de ces réflexions individuelles et collectives approfondies sont étroitement liés à la durabilité, car ils incarnent fidèlement les aspirations authentiques des participants qui les ont conçus.
La capacité des formateurs formés à accompagner les individus et les communautés de manière significative, hommes et femmes confondus, repose sur une formation expérientielle approfondie et continue, encadrée par des accompagnateurs dévoués. Notre organisation, pleinement consciente de la valeur de ses quinze formateurs spécialisés dans l'autonomisation et les approches participatives, se trouve actuellement avec seulement une fraction du nombre nécessaire pour étendre nos actions là où elles sont requises. Par exemple, pour répondre aux demandes en matière de plantation d'arbres fruitiers, de construction d'infrastructures de retenue d'eau et d'autres projets essentiels, il est impératif d'avoir davantage des professionnels qualifiés à disposition.
Nous saluons, tout comme d'autres organisations au Maroc et ailleurs dans le monde, le rôle essentiel des facilitateurs compétents dans l'autonomisation des communautés et la promotion de l'action inclusive. Il est dommage que notre capacité à répondre aux besoins de tous les quartiers et de toutes les communautés qui font appel à nos services soit si largement insuffisante. Parallèlement, la mise en place de projets de développement tels que la plantation d'arbres fruitiers, qui ne découlent pas d'une démarche d'autonomisation communautaire, même lorsque les agriculteurs les réclament, engendre des répercussions préoccupantes. En raison de la faible possession des terres par les femmes, soit moins de 15 % à l'échelle mondiale, la plantation d'arbres fruitiers, souvent effectuée dans le domaine agricole largement contrôlé par les hommes, sans consultation des communautés locales ni partage équitable des retombées, risque d'accentuer davantage encore les inégalités entre les sexes. En revanche, les initiatives basées sur l'autonomisation des communautés offrent des bénéfices tangibles, tels que des rendements plus élevés et des revenus accrus grâce à la plantation d’arbres fruitiers. De plus, ces projets favorisent l'alphabétisation des femmes et la scolarisation des filles, contribuant ainsi à atténuer la pauvreté dans les zones rurales du Maroc et d'ailleurs.
Une grande partie des efforts actuels pour lutter contre le changement climatique se concentre sur des initiatives axées sur les avancées technologiques. Cependant, il est crucial pour les décideurs politiques, les acteurs du développement et les chercheurs de garder à l'esprit que sans un engagement total et une réelle implication des communautés locales dans le processus décisionnel, les progrès en termes de disponibilité des biens et services, de revenus et d'activité économique pourraient non seulement manquer de favoriser une croissance équitable, mais aussi accentuer les clivages et les fardeaux pesant sur les populations marginalisées depuis des générations.
Pour réussir à se développer de manière durable, équitable et adaptée, il est essentiel de commencer par former des équipes de formateurs et de responsables de l'autonomisation au sein des communautés locales. Ce sont eux qui vont permettre d'initier et de gérer le changement souhaité par ces communautés. C'est à ce stade que les nouvelles technologies et les innovations peuvent être introduites de manière plus fluide, en trouvant ainsi le meilleur moyen de se développer de manière évolutive, en s'appuyant sur la dynamique des mouvements communautaires.
Au Maroc, notre plus grande aspiration est que les individus venant de toutes les contrées, s'exprimant dans toutes les langues et tous les dialectes, contribuent à la richesse des identités qui façonnent ce pays. Nous valorisons particulièrement l'apprentissage par l'expérience au sein d'environnements communautaires réels, ainsi que les initiatives d'autonomisation qui aident les individus à dépasser leurs croyances limitantes pour revendiquer enfin leurs désirs profonds. C’est ainsi que nous pourrons promouvoir l'essor durable de nos communautés à grande échelle.
Par chance, dans notre pays, chaque individu est encouragé à contribuer à son propre essor. C'est à ce moment-là que nous prendrons conscience que la technologie s'inscrit dans l'élaboration de projets autonomes, et non l'inverse, en dictant les chemins du développement des individus.
Amélioration des compétences en matière de plantation d’arbres avec les membres d’une coopérative au Maroc (photo de la Fondation du Haut Atlas, 2024).
Dr. Yossef Ben-Meir est le Président de la Fondation du Haut Atlas et vit à Marrakech, au Maroc.